Bei Shaolin Pai 排北少林

Bei Shaolin Pai, la boxe Shaolin du Nord

FONDATION DU MONASTERE SHAOLIN DE LA PROVINCE DU HENAN

C’est sur le piémont ouest des Songshan, au pied de la chaîne montagneuse du Shaoshi, dans la province du Henan, que fut construit le premier Shaolin en l’an 495, soit la XIX ème année de l’ère Taihe du règne de l’empereur Xiaowen (Hsiao-Wen) de la dynastie Wei du nord. Mais on ne voit apparaître le nom de Shaolin qu’au début de la dynastie Tang (618-907). Le territoire du monastère se trouve être un pivot naturel des voies de communication débouchant de nombreux seuils et cols. Une position stratégique évidente !. C’est par cette porte que la doctrine Bouddhique, venue de l’Inde, pénétra lentement en Chine, à partir du milieu du premier siècle de l’ère chrétienne.

– DYNASTIE DU SUD ET DU NORD (420 -589)

À la fin du V ème, siècle vint par cette route un moine indien : Batuo (Bodhiruchi ou Bouddhajiva). Celui-ci, fin lettré, reçu en audience par Xiaowen, eût la chance de lui plaire et obtint les faveurs de l’empereur qui décida de lui faire construire un monastère, ce sera Shaolin.Batuo s’y retira pour se consacrer à la lecture des sutras et s’attela à la traduction de textes bouddhiques. Il eut rapidement un grand renom qui attira vers lui des centaines de moines désireux de s’instruire. C’est ainsi que Shaolin prit vie. Batuo appartenait à la tendance Hinayama du Bouddhisme (doctrine du petit véhicule).

Une trentaine d’années plus tard (aux alentours de 525 après J-C), vint un autre moine indien : Damo plus connu sous le nom de Bodhidharma (l’illuminé). Le nouveau venu propagera la tendance Mahayana (doctrine du grand véhicule) du Bouddhisme.

Originaire de la région de Madras ou de Ceylan, il aurait été le troisième enfant du roi Sugandha, donc membre de la caste des guerriers (les Kshatriyas) et connaissait certainement les techniques de maniement d’armes (l’art du vajramukti). Il aurait, d’autre part, reçu l’enseignement religieux de Prajnatara, un maître du Bouddhisme du Mahayana. Après un long périple Damo demanda asile auprès des Tao Jen (ou Tao Shih. C’est ainsi que l’on appelait les premiers moines chinois) du monastère du Shaolin. Quelque temps après, il décida de se retirer dans une grotte, à environ un kilomètre au nord du monastère, près d’un sommet dit des « cinq mamelons » pour y méditer pendant une période de neuf ans en pratiquant la « contemplation murale » (biguan ou Pi-kouan).

Après ces neufs années, celui que la tradition Mahayana considère comme le 28e successeur du Bouddha Cakyamuni sortit de sa retraite et fonda une nouvelle branche du Bouddhisme ; le Chan (du sanscrit « Dhyana », signifiant concentration, méditation sans objet intellectuel, et qui, passant plus tard par le Japon, y deviendra le Zen), doctrine qu’il transmit à son seul disciple connu, Hui Ke (Hui He).

La tradition attribue à Bodhidharma l’enseignement des « 18 mains de Luo Han » ainsi que le Yi-jin-jing (le traité sur l’assouplissement des muscles et des tendons). Ce texte est considéré comme l’ouvrage de base pour le Qi-gong (« contrôle du souffle »). Damo aurait mis au point une série d’exercices thérapeutiques destinés à tonifier le corps, pour redonner de la vigueur aux moines émaciés et affaiblis par de trop longues séances de méditation, devenus de ce fait incapable de se concentrer vraiment) et pour le Quan-Fa (boxe chinoise), c’est-à-dire l’art martial externe, destiné au combat.

Environ une trentaine d’années après le départ du saint homme, le nouvel empereur Taiwudi, de la dynastie des Zhou du nord (deuxième moitié du VIe siècle après J-C) lança une campagne de bannissement du Bouddhisme et du Taoïsme et Shaolin tomba sous les coups de l’interdiction. Heureusement que, à peine six ans plus tard, l’empereur Zhoujongdi rétablit le Bouddhisme dans l’empire et donna au monastère le nom de Zhihu. Ce n’est que deux ans plus tard, grâce à l’empereur Wendi, de la nouvelle dynastie des Sui (581-618), que Shaolin pu reprendre son nom.

– DYNASTIE SUI (589 – 618)

Pendant la période des Sui, on trouve la trace d’un moine : Jinna Luo. De passage, il avait demandé asile depuis quelques jours lorsque la communauté fut attaquée par une bande de brigands. Celui-ci les aurait fait à lui seul déguerpir, tant était grande sa virtuosité dans l’art du combat. Les moines, impressionnés par ce qu’ils venaient de voir, prièrent leur hôte de leur enseigner sa technique. Désormais les moines joueraient un rôle déterminant sur les champs de batailles.

– DYNASTIE TANG (618 – 907)

En 618, Li Yuan fonda la dynastie Tang et prit comme nom d’empereur Gaozu. Il fit appel aux moines (il était alors connu que les moines pratiquaient les arts martiaux) lors de la bataille décisive contre son rival le monarque Zheng, Wang Shi-Shung.

Li Shih-min, qui fut le second empereur Tang (627-650) sous le nom de Taizong, eut lui aussi recours à l’appui musclé des experts de Shaolin et ne fut pas ingrat. Il est directement responsable de la fortune et du renom de Shaolin. Non seulement treize moines particulièrement méritants furent anoblis, mais aussi, toujours par décret impérial, furent établis 500 moines soldats avec le droit de pratiquer ouvertement les arts martiaux, largement dotés en viande et en vin. Shaolin fut aussi doté de terres dans des proportions impressionnantes. Le monastère qui s’étendait alors sur 30 hectares passa à 36 000 hectares dont 1000 cultivés. Taizong déclara que désormais Shaolin porterait le nom de « premier monastère sous le ciel » (Shi Yi Tien). L’age d’or de Shaolin commença.

– DYNASTIE MING (1368 – 1644)

Nous ne savons plus rien de précis jusqu’au XVI ème siècle, comme si Shaolin avait évolué en vase clos. Certes entre 1200 et 1368, sous les Yuan (1279-1368), les terribles invasions mongoles avaient déjà enrichi les techniques de combat jusqu’alors pratiquées en Chine, venant du Shaolin ou antérieures à lui. Il en aurait résulté le Lung Hua Chuan et le Qinna.

Vers le milieu du XVI ème siècle, un jeune homme du nom de Kwok Yuen entra à Shaolin, il s’attendait à trouver des hommes parfaitement entraînés au combat, car c’était la réputation qu’avait le monastère depuis des siècles. Une profonde tristesse le remplit lorsqu’il vit que les moines n’étaient plus que les ombres de ceux que décrivait la tradition admirative. Le supérieur du monastère lui expliqua qu’il y avait bien longtemps que l’art du combat s’était perdu, faute d’avoir pu être entretenu par des maîtres de valeur. Shaolin était en danger mais aussi toute la région. Yuen prit alors la décision de partir vers le sud afin de trouver un maître capable de sortir les moines de leur léthargie.

C’est dans la ville de Lou-Tchéou, sur les rives du Fleuve Jaune, à près de mille kilomètres des monts Shaoshi qu’il rencontra un homme du nom de Pai Yu-feng. Celui-ci lui vint en aide alors qu’il avait voulu à son tour aider un brave commerçant aux prises d’une demi-douzaine d’hommes armés. Ce fut comme si les bandits étaient aspirés par une tornade et le combat prit fin très rapidement. Stupéfait par tant d’adresse, Yuen comprit que cet inconnu était l’homme qu’il cherchait. Il lui exposa ses projets et lui proposa de l’emmener auprès de son maître, le vieux Li Chan. Les trois hommes entreprirent un vaste travail de restructuration et d’amélioration des techniques de combat en usage auprès des ermites de Shaolin (Wu-qin-xi) qui relança leur réputation pour des siècles (voir le système des cinq animaux).

Au cours des décades suivantes le monastère devint un véritable centre d’entraînement aux arts martiaux réputé dans la Chine tout entière pour la prouesse de ses experts.

Le général Yu Dayou (1503-1579), qui servait sous les ordres du maréchal Qi Jiguang, enseigna aux moines, lors d’une visite, les perfectionnements qu’il avait développé dans l’art de manier le bâton. Ce qui entraîna de nouvelles combinaisons.

– DYNASTIE QING (1644 – 1911)

L’Empire des Ming déclina vers le début du XVII ème siècle et les cavaliers Mandchou déferlèrent sur la Chine en 1644 afin d’installer leur empire ; celui des Qing.

Ceci conduisit à près de trois cents ans de résistance face à l’envahisseur. Il y eut, jusqu’à la fin du XVII ème siècle, de nombreuses guerres qui aboutirent à l’éclatement des derniers groupes organisés dévoués aux Ming. Traqués par les Mandchou, les derniers survivants refluèrent vers le Sud (voir historique de la boxe Shaolin du Sud). Réfugiés dans les communautés religieuses, celles-ci comptaient autant de guerriers déguisés en moines que de véritables moines. C’est grâce à cette nouvelle promiscuité que naquit une nouvelle génération de combattants particulièrement efficaces.

A partir de cette période, de nombreux faits d’armes sont relatés et mis sur le compte des moines patriotes, résistants aux Qing. L’empereur Kangxi (1662-1722) comprit que les monastères étaient devenus des centres de résistance et qu’il était tant de passer à l’action. Il donna ordre à ses troupes de mettre fin à ces activités subversives contre l’ordre mis en place, mais il mourut en 1722 et c’est le nouvel empereur, Yongzheng, qui s’occupa, entre autres, du Shaolin du Henan. Les moines et autres résistants défendirent le monastère avec acharnement, mais les vagues d’assaut des soldats impériaux eurent raison d’eux et Shaolin dû déposer les armes. Cette prise d’assaut décisive aurait eu lieu vers 1723, 1724 ou 1736.

C’est de ce fait qu’est née la légende des cinq moines experts rescapés de la terrible bataille, fuyants vers le sud et qui furent à l’origine de cinq grands styles de boxe chinoise dérivés du Shaolin Pai (boxe de Shaolin) : le Choy-gar, le Hung-gar, le Li-gar, le Liu-gar et le Mok-gar.

Cette diaspora des communautés bouddhiques profita à la Chine et notamment à tout le sud-est asiatique. Alors que la boxe chinoise qui était réservée jusqu’alors à l’élite de la société, plus de 400 styles s’individualisèrent à travers tout le pays, à partir des techniques du Shaolin. Aujourd’hui nous savons que les bâtiments ont été relativement épargnés et que la restauration commença dès la treizième année de règne de Yongzheng. Shaolin édifia un important portique qui serait désormais son entrée principale, la porte des montagnes.

C’est en 1750 que le nouvel empereur Qianlong (1736-1796), qui fit un séjour de trois jours au monastère, calligraphia lui-même les trois caractères Shao-Lin-Si (Temple de Shaolin) qui fut fidèlement reporté sur la planche ornant la porte d’entrée, avec le sceau impérial.

– LA PREMIÈRE REPUBLIQUE (1911 – 1949)

En 1911 la révolution éclate, après le soulèvement des Taiping (1851-1860), Déplieret celui des boxers en 1900 suivit par la mort de l’impératrice Tseu-Hi (1835-1908) la dynastie des Qing prend fin. Cela débouche sur une période anarchique ou les seigneurs de la guerre, refusant toute autorité centrale, exploitant la Chine à leurs profits mettant le pays à feu et à sang.

Nous sommes en 1928, lorsque la troupe de Fan-Tchan-Siu trouva refuge au monastère. Celui-ci fut aussitôt assiégé par celle de Feng-You-Hsien aux ordres du général Shi-Yousan. Fan-Tchan-Siu réussit à s’enfuir avec de nombreux moines, ce qui mit Shi-Yousan dans une rage folle. Celui-ci, pour se venger, ordonna de brûler le monastère, et c’est là qu’advint la plus grande tragédie du Shaolin. Pendant plus de 40 jours, le monastère brûla, réduisant en cendres seize temples, des salles, des tours, quantités de reliques inestimables et d’archives qui avaient survécu à toutes les vicissitudes du temps passée.

– LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE (depuis 1949)

Le monastère a été en partie reconstruit à partir de 1957 sur les ruines de 1928, mais les communistes, ayant unifiés tout le pays depuis la prise de pouvoir de leur leader Mao-Tse-Tung en 1949, ont interdit la pratique des arts martiaux voulant couper avec tout ce qui rappelait le passé de la Chine. Cependant Mao encourage la pratique des activités physiques, le Wushu est la nouvelle appellation officielle pour désigner les arts martiaux chinois qui portaient le nom de Guoshu depuis 1920. L’accent est mis sur deux axes principaux, l’exercice de santé d’une part, et celui du sport d’autre part. Un comité du mouvement sportif s’organise dès 1956, il simplifie les formes de Tai-Chi afin de les rendre accessibles à tous, et donne naissance en 1958, à Pékin, à l’association nationale de Wushu. Ce n’est qu’après la mort de Mao en 1976 que les arts martiaux Chinois sont de nouveau autorisés à Shaolin.

Depuis 1985 le temple est à nouveau habité par les moines. Ceux-ci ont repris la pratique de la boxe chinoise (Quan-Fa) sous la direction de Shi-De-Yu, maître de Shaolin de la 31e génération. Aujourd’hui le temple arrive à vivre grâce à de nombreuses démonstrations effectuées par une troupe qui voyage régulièrement à travers le monde en démontrant les prouesses de la boxe du Shaolin. Un centre d’arts martiaux a été créé en 1988, à environ un kilomètre du monastère, avec hôtel, restaurant, et salles d’entraînement pour les hôtes de passage.

Il y a, mis à part le Shaolin du Henan, d’autres monastères : le second se trouve dans la province du Fujian (voir boxe Shaolin du sud), le troisième est situé près du lac Honlong (« Dragon rouge ») au pied du mont Zigai dans la chaîne des Panshan, du Hebei (plaine de la Chine du nord). Il aurait été construit sous le règne de Zhizhzng, en 1341, de la dynastie Yuan (1279-1368). Il est généralement admis que ce monastère, comme celui du Quanzhou, était une branche du Shaolin du Henan. On connaît encore au moins deux Shaolin supplémentaires, mais dont on ne sait rien dans le domaine des arts martiaux : celui de Foshan (Putian) dans la province du Guangdong, et celui de Chengdu, dans la province du Sichuan (Setchouan).

Depuis la renaissance du monastère, la boxe de Shaolin a fait de nombreux emprunts à d’autres boxes du nord de la Chine. L’essentiel a été diffusé au cours des années trente par Maître Gu Ruzhang (1898-1952). Celui-ci étudia son art auprès de Yan Jiyun de la région de la ville de Feicheng de la province du Shandong.

La boxe Shaolin du nord se rapproche techniquement des boxes Cha et Hua de cette même province. Il compte dix formes à mains nues : « ouvrir la porte », « montrer la route », « s’asseoir sur le cheval », « traverser le coeur », « arts martiaux », « combat court », « fleur de prunier », « trois paumes en huit pas », « la méthode du poing en posture centrale ». Il faut leur ajouter des formes « spéciales » comme les boxes du serpent, de « l’homme ivre », du singe, des « paumes du Bouddha », « les dix-huit mains des arhats » etc… Les armes sont ici très nombreuses avec principalement les doubles sabres de la fleur de prunier, « la lance qui tire vers le haut et intercepte », « les vingt-quatre lances »,« l’épée de la forme du dragon », « l’épée de Damo (Bodhidharma) », « le bâton des cinq tigres capturant les chèvres ». Ce riche programme est complété par les méthodes de travail interne et externe de « la petite cloche d’or en seize séries » et de « la paume en limaille de fer ».